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Congrès international 2020: la recherche progresse (focus sur la CBP)

28 Fév 2021 | Actualités

Le congrès annuel de l’EASL (European Association for the Study of the Liver) s’est tenu en fin d’été dernier.
Nous avions déjà relaté les communications écrites (les « posters ») publiées à cette occasion et relatives à la Cholangite Sclérosante Primitive (cf. actualité du 9 nov.) ou à l’Hépatite Auto-Immune (16 déc.). Nous concluons avec la Cholangite Biliaire Primitive (CBP).

. Le comité scientifique de l’EASL avait sélectionné une trentaine d’études traitant de la CBP. Les équipes britanniques et américaines faisaient la course en tête (7 posters chacune), suivies par l’Italie, l’Espagne et le Japon (3 posters).

. Par comparaison aux CSP et HAI, ce nombre plus élevé de communications reflète la moindre rareté de la maladie, mobilisatrice, ainsi que l’émergence des traitements de seconde ligne. Une place importante a également été donnée à la prise en charge (diagnostic, pronostic, suivi). En revanche, la recherche fondamentale a publié relativement peu cette année.

Passons en revue ces travaux.

. Concernant la qualité de vie, une enquête auprès des malades a été réalisée au Canada à partir d’un questionnaire déclaratif de standard international (le PBC-40). Elle enseigne que les populations indigènes seraient, à tous points de vue, plus fortement impactées par le fardeau de la maladie que les autres habitants du pays.

. Une étude épidémiologique britannique revient sur le lien déjà évoqué entre CBP et mines de charbon. Elle confirme que la proximité d’exploitations charbonnières aurait contribué à augmenter le risque de déclarer la maladie, mais sans pouvoir préciser la relation de cause à effet. 

. Une équipe américaine a voulu investiguer les éventuelles spécificités de la maladie liées au sexe masculin. Sur une importante cohorte de patients au stade avancé (cirrhose compensée) et où les hommes étaient prépondérants, elle a associé le sexe masculin à une augmentation des risques de décompensation ou de décès.

. Dans le domaine du diagnostic, on a cherché à identifier, pour l’imagerie IRM, des caractéristiques propres à la CBP. Si le signe du halo péri-portal est bien corrélé à une fibrose significative, rien n’a pu être associé à l’intensité de l’inflammation hépatique.

. Une autre étude confirme qu’au moment même du diagnostic, la mesure de dureté du foie (élastométrie impulsionnelle type Fibroscan®) est apte à identifier les fibroses hépatiques modérées à sévères. Elle surpasse les évaluations basées sur les analyses sanguines (scores APRI ou FIB-4). Elle n’est perturbée ni par la cholestase ni par l’éventuelle stéatose.

. Par ailleurs, il existe des patients testés positifs aux anticorps anti-mitochondries et/ou aux anticorps antinucléaires spécifiques de la CBP mais présentant des taux de phosphatases alcalines (PAL) normaux. Pour ces malades, les biopsies issues d’une cohorte suisse confirment malheureusement la présence de modifications histologiques de type CBP. On suggère de considérer la gamma-glutamyl-transférase (GGT) comme un marqueur secondaire de la maladie.

. Enfin, on a tenté de caractériser la fatigue qui affecte de nombreux malades. La proposition distingue la fatigue ‘centrale’, lourde et associée à des symptômes cognitifs, de la fatigue ‘périphérique’, moins sévère et sans ces symptômes.

. Selon une étude internationale, le taux sérique de GGT peut prédire le risque de transplantation ou de décès. Son suivi améliore un pronostic reposant uniquement sur celui des PAL. En outre, il peut s’y substituer quand des comorbidités faussent le niveau de ces PAL.

. Une analyse américaine, fondée sur une grande cohorte de patients présentant une cirrhose compensée, établit que la bonne réponse du malade au traitement par acide ursodésoxycholique (AUDC) est associée à une réduction significative des risques de décompensation et de décès.

. Enfin, une équipe japonaise expose la supériorité du système de classification Nakanuma pour caractériser l’activité et le stade de la maladie ainsi que pour anticiper la réponse au traitement par AUDC.

. Plusieurs travaux s’intéressent au suivi médical des malades. La première s’inquiète des « égarés dans le système ». Ainsi, 1.5 millions de dossiers hospitaliers espagnols ont été épluchés. Il ressort que 1 patient sur 7 présentant dans ses analyses un diagnostic confirmé de CBP, n’a pas été identifié comme tel ni soigné pour celle-ci.

. D’autre part, une enquête associative auprès des malades anglais révèle que leur prise en charge est très en-deçà des recommandations EASL, notamment en ce qui concerne le dosage d’AUDC, la gestion du fardeau symptomatique, l’information du patient et la proposition d’un traitement de seconde ligne en cas de réponse insuffisante à l’AUDC.

. Au terme d’une analyse rétrospective sur 30 ans, une équipe japonaise alerte : des patients CBP au stade précoce et bons répondeurs à l’AUDC peuvent développer des varices gastro-œsophagiennes. Leur apparition est difficile à prédire. On recommande donc un dépistage endoscopique périodique.

. Enfin, concernant la mesure des démangeaisons, un prestataire spécialisé dans l’évaluation des outils cliniques valide la pertinence de l’indicateur ItchRO pour la CBP. Les tables ItchRO, qui recueillent 2 fois par jour les déclarations renseignées par le patient, sont fiables et capables de détecter les petites variations d’intensité du prurit.

. Justement, un industriel a enquêté auprès de médecins américains, allemands, chinois et japonais à propos du prurit. Il apparait des différences notables dans la présentation clinique et les traitements symptomatiques. Cholestyramine et antihistaminiques sont le plus couramment prescrits mais d’autres propositions existent, seules ou en combinaison. Dans tous les cas, les patients affectés de prurit, quelle qu’en soit la sévérité, souffrent également de fatigue.

. Quatre posters rapportaient les suites aux essais cliniques de Phase 3 ayant conduit à l’autorisation de mise sur le marché de l’acide obéticholique, alias Ocaliva. Ce traitement, dit de seconde ligne, a été développé pour les malades insuffisamment répondeurs ou intolérants à l’AUDC.

. En Espagne-Portugal et en France, on a observé les malades qui prennent le traitement désormais ‘en vie réelle’ (c’est-à-dire non plus dans un essai à double insu du médecin et du patient, ni en comparaison avec un placebo). A 12 mois, le profil d’efficacité et de tolérance apparait en cohérence avec les essais cliniques.

. Au Royaume-Uni, dans une phase de 5 ans dite ‘d’extension’, on a proposé aux participants de l’essai clinique qui avaient reçu le placebo, de poursuivre avec Ocaliva. Là encore, les améliorations relevées sont conformes aux résultats  antérieurs.

. Enfin, aux Etats-Unis, une phase d’extension de 6 ans a été ouverte aux malades qui avaient bien reçu Ocaliva pendant l’essai clinique mais pour lesquels l’effet du médicament avait été insuffisant. Sans atteindre tous les critères de bonne réponse au traitement, des progrès ont été observés.

. Les fibrates sont l’autre traitement de seconde ligne prescrit aujourd’hui. Une équipe espagnole a donc voulu comparer les effets d’Ocaliva et des Bézafibrates sur une cohorte de patients ayant reçu pendant 3 à 12 mois, l’un et/ou l’autre traitement. Il ressort que les deux médicaments améliorent le bilan biochimique. Les Bézafibrates seraient associés à une baisse plus prononcée des PAL, Ocaliva des transaminases. Les taux d’abandon du traitement sont comparables, vers 10%.

. Par ailleurs, une université anglaise a tenté d’évaluer le bénéfice respectif des deux médicaments sur les troubles cognitifs induits par la cholestase… avec des souris.

. Enfin, au Brésil, l’étude rétrospective de patients traités par Ciprofibrates révèle des résultats proches de ceux obtenus ailleurs avec des Béza- ou Féno-fibrates. Un réel essai clinique, randomisé-contrôlé, serait nécessaire pour comparer l’efficacité et la sécurité de ces différents fibrates.

. Plus en amont, un essai clinique international de Phase 2 s’est achevé pour le Seladelpar. Là encore, un traitement de seconde ligne avec une nouvelle molécule cousine des fibrates. Il s’agissait de déterminer, auprès d’une bonne centaine de malades, le meilleur dosage du médicament. Les résultats étant très encourageants un essai de Phase 3 (randomisé, en double-aveugle, contrôlé par placebo) est lancé : ENHANCE.

. Le Norurso est un acide biliaire chimiquement modifié, dérivé de l’AUDC. Il a déjà révélé son potentiel thérapeutique pour la cholestase. Cette fois, un essai sur volontaires sains suggère que sa biodisponibilité élevée (vitesse et taux d’absorption) entraîne un effet bénéfique sur le rein en cas d’ictère avec néphropatie cholémique.

. La Chine présentait les résultats d’un essai clinique de Phase 1 (sécurité, tolérance et pharmaco-cinétique/dynamique sur volontaires sains) pour la molécule TQA3526. Son principe serait cousin d’Ocaliva mais beaucoup plus puissant.

. Quant à la recherche fondamentale, le congrès avait retenu quatre communications traitant d’auto-immunité.

. Deux équipes, anglaise et nippone, ont travaillé dans la même direction : déterminer dans quelle mesure le polymorphisme des cellules immunitaires (c’est-à-dire les petites variations génomiques) peuvent impacter notre prédisposition à déclarer une CBP, voire même le degré d’activité de la maladie. Le but, bien sûr, est de trouver des solutions pour bloquer la maladie à son origine et non plus seulement recourir à des traitements palliatifs.

. Une autre équipe britannique, partant du fait qu’un certain type de lymphocytes B à mémoire semblait impliqué dans la pathogénie d’autres maladies auto-immunes, a voulu explorer le cas des maladies hépatiques. Effectivement, ces lymphocytes particuliers sont bien présents dans le foie des patients ayant nécessité une greffe pour cause de CBP (mais non de CSP).

. Enfin, des chercheurs américains ont investigué, à partir de biopsies humaines et murines, le rôle joué par les mastocytes dans le cas spécifique de la CBP. Les mastocytes sont des cellules du système immunitaire inné, présentes dans la plupart des tissus de l’organisme et connues pour être fortement associées au processus inflammatoire.

 

 

> Rédaction PiCo, albi 19/02/21
> Sources : posters présentés lors de l’ILC 2020 (https://ilc-congress.eu)

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