Enquête albi 2021 sur les médicaments de la CBP

Conditions de l’étude

L’association albi (association pour la lutte contre les maladies inflammatoires du foie et des voies biliaires) a effectué un sondage en ligne auprès des malades de Cholangite Biliaire Primitive (CBP) pour les interroger sur leur traitement.

Cette étude s’inscrit dans le travail mené par l’association albi, depuis sa création en 2003, pour améliorer la connaissance du vécu des patients atteints de maladies biliaires, en particulier avec des études et sondages réguliers. Elle est conforme à l’intention de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui encourage les associations de patients à contribuer à l’évaluation des médicaments et dispositifs médicaux.

Ce sondage s’est déroulé sur le quatrième trimestre 2020, via la plateforme SurveyMonkey, avec un questionnaire conçu et analysé en interne par l’association. Les sources de recrutement étaient multiples : adhérents de l’association, site internet, forum, page Facebook, Twitter, les appels ayant été relayés par plusieurs organismes, associations ou praticiens, que nous remercions.

Le sondage a reçu 614 réponses exploitables. Nous avons laissé aux répondants la possibilité de ne pas répondre à certaines questions, l’échantillon de référence peut donc varier d’une question à l’autre.

Cette étude présente un nombre très important de participants au regard d’une maladie rare. Elle a été financée et réalisée grâce aux ressources propres d’albi, en toute indépendance.

Dans le contexte de crise autour de la COVID-19, nous avons interrogé les malades sur la disponibilité des médicaments. Tant pour l’AUDC que l’Ocaliva et les fibrates, elle semble n’avoir perturbé que très marginalement la délivrance des médicaments.

albi est une association de patients agréée pour la représentation des usagers dans les instances hospitalières et de santé publique. Plus d’informations sur albi-france.org, contact : info@albi-france.org. Télécharger  ici les résultats de l’enquête CBP 2020 d’albi  présentés ci dessous.

Auteurs : Angela Leburgue, Philippe Durand, et Daniel Leburgue, respectivement présidente, administrateur et secrétaire général d’albi, tous trois bénévoles au sein de l’association. Merci aux relecteurs Astrid Imbert et Pierre-Antoine Corret. Rédaction février 2021.

Données signalétiques

Répartition géographique

92% des répondants résident en France, tous les départements de la métropole étant représentés, sauf 8 d’entre eux. On note une relative sur-représentation de certains départements (Hérault, Isère, Bouches-du-Rhône, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, Paris,…) qui s’explique sans doute par l’activité des centres experts dans ces départements qui ont pu relayer la campagne de recrutement — mais cela se joue à quelques individus et n’est pas en mesure d’apporter un biais aux résultats.

Les 8% résidant à l’étranger viennent principalement de Belgique (16 répondants sur 51), du Canada (12), de pays du Maghreb (12), et d’Espagne (6).

Sexe

92 % des répondants sont des femmes, ce qui est en ligne avec la prévalence décrite pour la CBP.

Nous avons exploré, sur certaines questions clés, des possibles différences entres malades femmes et hommes sans observer d’écarts significatifs.

Age

La moitié des patients répondant au sondage appartiennent à la classe d’âge 50-70 ans (53%), avec un âge moyen et médian de 56 ans.

Questionnés sur le début de la prise en charge de leur maladie, les malades rapportent un âge au diagnostic majoritairement entre 40 et 60 ans (59%), avec une répartition quasiment équivalente entre la tranche d’âge 40-50 ans (30%) et 50-60 ans (29%). L’âge moyen au diagnostic est de 47 ans. Ce sont finalement 2/3 des patients dont le diagnostic est fait avant 55 ans.

Ces données sont cohérentes avec les données épidémiologiques connues de la maladie.

Une dizaine de questionnaires étaient remplis par un parent au nom d’un malade.

Répartition par âge des malades CBP (base : 614 réponses)

Répartition de l’âge auquel les malades CBP ont été diagnostiqués
(base : 614 réponses)

Les différences entre femmes et hommes sur les questions d’âge sont minimes. Les âges moyens (F 56 ans, H 56 ans) et médians (F 56 ans, H 54 ans) sont très proches, ainsi que l’âge auquel le diagnostic a été fait (moyenne et médiane F 47 ans, H 45 ans). On peut cependant noter une différence dans la répartition des âges, avec les tranches 40-49 ans et ≥ 70 ans plus importantes chez les hommes — mais les nombres de personnes en référence sont faibles.

Un peu plus d’un tiers des patients ont une maladie diagnostiquée depuis moins de 5 ans, 20% des patients ont une maladie diagnostiquée depuis 5-10 ans et 40% des patients ont une maladie depuis plus de 10 ans.

Il existe une potentielle surreprésentation des malades avec un diagnostic récent (<5 ans) dans cet échantillon, en raison d’une plus grande implication dans le suivi de leur maladie, et donc une attention plus soutenue à une sollicitation pour un tel sondage. Néanmoins, si tel était le cas, cela ne nous semble pas un biais important, plus de 60% des répondants étant diagnostiqués depuis plus de 5 ans. La diffusion étant numérique, l’enquête s’est sans doute privée de certains malades plus âgés.

Suivi de la maladie

La quasi totalité des malades est suivie par un spécialiste hépatologue et/ou gastro-entérologue. Environ 1 malade sur 5 cite son généraliste, en plus du spécialiste, comme le suivant pour sa CBP.

Le suivi de la CBP se fait en CHU pour 47%, en cabinet de ville pour 27%, dans un hôpital général public pour 24%, et en clinique privée pour 16%. Certains sont suivis dans plusieurs établissements.

Pathologies et évènements associés

HAI

17% des répondants sont également atteints d’une hépatite auto-immune (“overlap” ou syndrome de chevauchement). Ce nombre est cohérent avec les données de la Banque Nationale de Données Maladies Rares.

Transplantation

3% des répondants ont reçu une greffe du foie.

Autres pathologies

6 malades sur 10 ont au moins une autre pathologie que la CBP ou HAI. Au total, les répondants mentionnent une quarantaine de maladies en parallèle de leur CBP ou CBP/HAI. Les maladies auto-immunes sont dominantes dans les pathologies associées.

Les pathologies de la thyroïde (Hashimoto, hyperthyroïdie, hypothyroïdie…) touchent 1 malade de la CBP sur 5.

Le syndrome de Raynaud est déclaré par 14% des répondants. Les maladies rhumatismales sont fréquentes, sous diverses formes (spondyloarthrite, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Gougerot Sjörgen, sclérodermie…) touchant près d’1 malade sur 10.

On trouve ensuite les maladies du système digestif avec un peu moins d’1 malade sur 10.

8 malades de CBP déclarent souffrir également de CSP et 2 autres sont par ailleurs atteintes du syndrome LPAC.

Etat de la maladie

Evolution de la CBP

Un tiers des personnes interrogées choisissent de ne pas répondre, ou de répondre “je ne sais pas” à la question “que pense votre médecin de l’évolution de votre CBP ?”. Parmi ceux qui se prononcent, 9 répondants sur 10 déclarent que la maladie est stabilisée ou en amélioration.

Les malades avec syndrome de chevauchement font état de moins de bilans améliorés mais plus de maladies stabilisées. Le taux de maladies en progression est identique pour la CBP seule ou avec HAI.

Les malades traités avec Ocaliva et fibrates ont des réponses nettement moins positives que les autres, ce qui peut s’expliquer par le fait que leur maladie est moins maîtrisée à cause de leur réponse insuffisante à l’AUDC. Voir plus loin le zoom sur les traitements de deuxième intention.

Perception par les patients de l’efficacité du traitement

A la question “que pensez-vous personnellement de l’effet de tous les traitements sur l’évolution de la CBP ?”, parmi les personnes qui se sont exprimées, 56% considèrent que cet effet est bénéfique ou très bénéfique, 33% plutôt bénéfique, 8% pas encore probant, et 2%  négatif.

30% des répondants n’ont pas d’avis ou ne n’expriment pas.

base 500 réponses

Traitement

Acide ursodésoxycholique (AUDC)

93% des participants sont actuellement traités par AUDC.

La quasi-totalité des participants sont traités depuis leur diagnostic initial.

Les malades ne prenant pas d’AUDC sont relativement plus nombreux chez ceux qui ont également une HAI : 13% des patients avec syndrome de chevauchement ne prennent pas d’AUDC contre 6% des patients sans HAI.

Dans les 7% n’étant pas sous traitement actuel, les ¾ n’en ont jamais pris, et ¼ ont arrêté ce traitement. En d’autres termes, 2% des malades auxquels il a été prescrit ont arrêté l’AUDC.

Les raisons d’arrêt pour celles-ci (11 personnes) : 4 suite à une greffe, 5 pour intolérance, 1 pour résistance au traitement, 1 pour essayer sans traitement.

Posologie de l’AUDC

La posologie d’AUDC recommandée pour le traitement de la CBP est de 13 à 15 mg/kg/jour.

base 542 réponses

La moitié des patients sont traités selon la posologie recommandée, l’autre moitié est hors recommandations. Environ 1 patient sur 5 est sous-dosé par rapport aux préconisations, 1 sur 4 est sur-dosé.

Si l’on élargit la fourchette considérée comme dans la norme à 12-16 mg/kg (ce qui peut par exemple s’expliquer par une posologie non ajustée suite à la variation de poids d’un patient), il reste un tiers des patients qui ne bénéficie pas de la posologie recommandée.

On note un surdosage plus fréquent chez les patients “poids légers” et un sous-dosage chez les patients “poids lourds”.

Marques d’AUDC

Delursan et Cholurso sont les marques les plus utilisées. Les génériques (ou d’autres marques distribuées à l’étranger) sont délivrés à 9% des patients.

Base 542 réponses. Quelques patients déclarent prendre plusieurs marques

Commentaires sur l’AUDC

Les commentaires spontanés à propos de l’AUDC (hors effets secondaires objets d’une autre question) portent sur différents points :

  • Des problèmes de disponibilité avec le Delursan
  • Le nombre de pilules par conditionnement (pas assez de cachets donc plusieurs boites, mauvaise disponibilité du conditionnement en 500 mg)
  • Les problèmes de digestion/transit, souvent attribués aux génériques
  • Les problèmes de digestion/transit imposant de prendre un dosage inférieur
  • La présence de blanc de titane (E171) dans les cachets

    Traitements de deuxième intention

Voir en annexe un zoom qualitatif sur les fibrates et l’acide obétIcholique, en complément des données présentées dans les paragraphes suivants.

18% des participants (110 personnes) sont traités avec l’acide obéticholique (Ocaliva) ou des fibrates (bézafibrate Befizal ou fénofibrate). Ces traitements “de deuxième intention” sont utilisés en cas de réponse insuffisante à l’AUDC.

  • 81 (13%) patients sont traités avec des fibrates.
  • 36 (6%) patients sont traités avec Ocaliva.
  • 7 patients prennent à la fois Ocaliva et des fibrates.
  • Tous les patients suivant un traitement de deuxième intention prennent également de l’AUDC, sauf 3 d’entre eux (2 Ocaliva et 1 Béfizal). Ces 3 patients ont arrêté  l’AUDC suite à d’effets secondaires trop gênants.

Fibrates

81 (13%) patients sont actuellement traités avec des fibrates.

20 (3%) patients ont pris des fibrates mais ont arrêté, ce qui porte à 16% la part des malades ayant une expérience de traitement par fibrates. 1 patient sur 5 ayant pris des fibrates a arrêté d’en prendre.

Les motifs d’arrêt portent en majorité sur les effets secondaires variés : fatigue et douleurs musculaires en têtes de liste. 4 personnes parce que le traitement ne fonctionnait pas, 2 pour passer du Béfizal aux fénofibrates, 2 pour passer à l’Ocaliva.

Ocaliva

36 (6%) répondants sont actuellement traités avec Ocaliva.

14 (2%) répondants ont pris Ocaliva mais ont arrêté, ce qui porte à 8% la part des malades ayant une expérience de traitement par Ocaliva. 28% des malades ayant pris Ocaliva ont arrêté d’en prendre.

Parmi les personnes qui ont motivé leurs raisons d’arrêt, 8 mentionnent les effets secondaires et 4 l’absence de résultat.

HAI

Sur les 102 malades d’un syndrome de chevauchement :

  • 18 sont traités avec des fibrates. 1 autre malade l’a été par le passé et a arrêté (pas de résultat) et 1 actuellement traité envisage un arrêt.
  • 2 sont traités avec l’Ocaliva et 5 l’ont été par le passé et l’ont arrêté (pas de résultat et/ou effets secondaire).

Autres traitements

1 patient sur 5 déclare prendre un autre traitement en rapport avec la CBP, 90% d’entre eux ont un syndrome de chevauchement CBP/HAI (qui représente 17% des malades).

57 patients présentant un syndrome de chevauchement ont précisé les spécialités prescrites. La moitié (54%) prennent de l’azathioprine (Imurel), un quart du Mycophénolate Mofétil (Cellcept), 18% du budésonide (Entocort, Mikicort).

11% des patients atteints de CBP sans HAI prennent un autre traitement, essentiellement des compléments en vitamine D ou calcium. Les autres médicaments cités sont très disparates et ne concernent que quelques individus.

Sur l’ensemble des malades, 9% déclarent prendre de la Vitamine D et 3% du calcium.

Soins complémentaires

36 (6%) patients déclarent utiliser des médecines ou moyens complémentaires (yoga-relaxation, phytothérapie, sophrologie,…) pour soigner leur CBP. Pour la moitié d’entre eux c’est un régime alimentaire strict.

Effets indésirables

Si notre question portait sur les effets indésirables associés au traitement, il est clair et compréhensible que les répondants ont eu du mal à dissocier les manifestations de la maladie des effets secondaires des médicaments eux-mêmes.

La fatigue reste, conformément à toutes les études que nous avons menées, le problème numéro 1. Pour 2 malades sur 3 elle est présente, ne serait-ce que légèrement. Pour 1 malade sur 6, elle est “intolérable” ou “handicapante”.

Si la fatigue est un symptôme de la CBP et qu’on ne peut probablement pas l’imputer au traitement, les troubles du transit (en majorité des diarrhées) semblent clairement associés aux médicaments, et à l’acide ursodésoxycholique en particulier. Ils concernent plus d’un malade sur 2, et 1 malade sur 10 avec une intensité jugée handicapante ou intolérable.

Les douleurs articulaires touchent également plus d’1 malade sur 2.

Suivent, avec plus d’1 malade sur 5 impacté de manière importante : insomnie, sensation de ballonnements, yeux secs, problèmes de digestion, sensation de bouche sèche et perte de libido.

Nombre de personnes jugeant l’effet indésirable léger, important, handicapant ou intolérable. base : 500 personnes s’étant exprimées sur la question

Commentaires de conclusion des participants

109 personnes ont laissé un commentaire en fin d’enquête soit 18% des participants.

La majorité de ces commentaires se partage principalement entre :

  • Des remerciements envers l’association (30%) exprimant la satisfaction de donner la parole aux malades, témoignant pour certains adhérents ou habitués de nos publications de leur intérêt pour la qualité et l’utilité des informations reçues, ou leur gratitude pour l’aide et le soutien apportés.
  • Des explications détaillées de leur cas personnel (28%) : elles expriment des difficultés à concilier le travail et les problèmes liés à la maladie et la prise de médicaments, des inquiétudes et du désarroi face à des cumuls de pathologies,  des souffrances face à la fatigue, la dépression ou des effets indésirables intolérables ou peu reconnus, des difficultés à envisager l’avenir, mais aussi plus positivement pour témoigner un mieux être à défaut de guérison grâce aux traitements, une stabilisation de la CBP, voire pour une personne un « moral d’acier » optimiste pour vaincre la maladie !
  • 26% des répondants expriment un grand besoin d’information : certains s’interrogent sur la maladie qui leur est mystérieuse, ainsi que son origine, souhaitent connaître mieux ses symptômes  (faire la part entre les problèmes liés à la CBP et d’autres maladies). D’autres s’inquiètent de la gravité de la maladie, du jeune âge lors du diagnostic, des interactions de la CBP avec d’autres maladies ou de la compatibilité avec la vaccination contre la Covid-19. Enfin certains participants demandent de l’aide, par exemple pour consulter un hépatologue compétent, pour optimiser les prises de médicaments, pour le travail, pour avoir des nouvelles de projets soutenus par albi …
  • Des commentaires et avis sur les médicaments (11%); des inquiétudes sur la disponibilité des médicaments (ruptures de stock, voire fin de leur disponibilité), leur effet sur l’organisme à long terme, ainsi que sur la transparence de leur composition.
  • Certaines personnes expriment leur avis sur le corps médical (9%) : si certains se plaignent du manque d’information venant de leur médecin, voire du manque de suivi ou manque de réponse aux questions, d’autres sont remplis d’éloges pour leurs médecins ou s’inquiètent de son remplacement.

Synthèse et commentaires d’albi

L’objet de cette étude était d’approfondir ce que nos enquêtes précédentes avaient pu révéler de la perception du vécu des malades de CBP, et nous focaliser sur les traitements CBP-HAI, principalement l’acide ursodésoxycholique et ceux de deuxième intention fibrates et Ocaliva.

D’autres questions concernant le délai de diagnostic, l’analyse plus approfondie sur la qualité de vie et d’autres, ont fait l’objet de l’enquête datant de 2018. Certains sont en attente de publication et d’autres disponibles sur demande.

La confirmation des études précédentes

Cette enquête ne nous apporte aucun élément contradictoire avec les études précédentes, confirmant entre autres les informations sur l’âge du diagnostic, la répartition femmes/hommes, la proportion de syndromes de chevauchement CBP/HAI, le dosage de l’AUDC, les difficultés de la vie quotidienne avec une CBP.

Une maladie largement stabilisée

Cette étude confirme que le traitement actuel par AUDC, éventuellement complété par les médicaments nécessaires pour faire face à une hépatite auto-immune associée ou combinés aux traitements de deuxième intention, mène à la stabilisation, voire l’amélioration, de la maladie dans la très grande majorité des cas. Seulement 1 malade sur 10 témoigne d’une maladie en dégradation ou d’un traitement qui doit encore faire ses preuves.

Une vision positive, mais…

De façon générale, les malades de CBP ont confiance en l’avenir et sont positifs vis à vis de leurs traitements (comme dans l’enquête albi 2018). L’être humain étant parfois contradictoire, nous observons parfois un mal être psychologique voire même une dépression mais aussi de la confiance et de l’espoir pour l’avenir.

Le problème du dosage de l’AUDC

Il faut néanmoins noter que nous avons, une fois de plus, relevé qu’au moins ⅓ des patients suit un dosage AUDC qui n’est pas conforme au consensus de recommandations de la SNFGE (Société Nationale Française de Gastro-Entérologie), de l’AFEF (Association Française pour l’Etude du Foie), l’EASL  (European Association for the Study of Liver) et de l’AASLD (American Association for the Study of Liver Diseases) qui est de 13 à 15 mg/kg/jour.

Des pathologies fréquentes combinées aux effets indésirables

Le fardeau des malades souffrant d’une CBP, en plus des symptômes et effets indésirables  comme fatigue, douleurs articulaires, démangeaisons, etc. est souvent le fait que le malade a du mal à gérer seul ses différentes maladies. Nous constatons que 6 malades sur 10 présentent une ou plusieurs pathologies (hors CBP/HAI), majoritairement d’autres maladies auto-immunes. Ces maladies sont gérées avec des traitements complémentaires. Le malade a beaucoup de difficulté à faire la part de ce qui relève de la CBP ou d’une autre maladie, de ce qui est un effet de la maladie ou d’un médicament, ou de l’interaction des traitements associés aux autres maladies. Il y a nécessité de considérer le malade dans son intégralité, au-delà de la maladie.

Les traitements de seconde intention pour 1 malade sur 5

Le nombre de participants ayant répondu devoir prendre un traitement de 2ème intention (18 %) est en ligne avec le pourcentage de malades avec une réponse insuffisante ou intolérants à l’acide ursodésoxycholique observé par les différentes enquêtes d’albi. La littérature médicale donne des ratios assez divers sur la question de non-réponse ou de réponse incomplète à l’AUDC, nous estimons que la réponse incomplète concerne environ 1 malade sur 5. Les cas d’intolérance (non-réponse ou effets secondaires trop importants) à l’AUDC justifiant son arrêt étant, d’après cette étude, de l’ordre de 1% des patients.

Les malades traités avec fibrates ou Ocaliva ont des réponses nettement moins optimistes sur l’évolution de leur maladie que ceux traités par l’AUDC seul. Ce résultat n’est pas surprenant en soi car par définition ils ont une réponse insuffisante à l’AUDC, donc souffrent d’une maladie qui n’est pas totalement maîtrisée.

Les malades traités par fibrates sont plus positifs sur l’évolution favorable ou la stabilisation de leur CBP (traités en moyenne depuis plus longtemps, ils ont plus de recul), ainsi que la tolérance du traitement, que ceux traités par Ocaliva.

L’hypothèse d’une indisponibilité de leur traitement (fibrates ou Ocaliva) génère des réactions vives de nombre de participants.

Toujours plus d’information

Nous avons une fois de plus confirmation que le travail de communication, information, formation des malades doit être intensifié. Nombreuses sont les personnes qui souhaitent avoir plus d’informations, d’autres avaient des difficultés pour répondre aux questions plus détaillées, et une part finalement importante des répondants ne peut pas se prononcer sur des notions fondamentales comme l’état actuel de leur maladie.

A suivre…

Nous considérons que les malades, représentés par les associations de patients, doivent participer à la construction de la politique de santé et travailler en collaboration avec les équipes médicales, comme nous le faisons depuis la création d’albi. Les enquêtes sont un moyen puissant pour la transmission des messages des malades et apporter un autre éclairage aux professionnels de santé. Comme l’écrit la Haute Autorité de Santé : “les patients disposent d’un savoir spécifique sur leur maladie. L’expérience sur le vécu de la maladie, les traitements existants, les parcours de soins, les besoins, enrichit l’évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux.” Les patients exprimant leurs difficultés, souvent en les hiérarchisant, contribuent à l’orientation des axes de recherche nécessaires à l’amélioration de leur état de santé.


Annexe : Traitements de deuxième intention

Un zoom qualitatif

Le nombre élevé de personnes ayant répondu à ce questionnaire nous a permis de recueillir des informations substantielles auprès de malades traités par des spécialités dites “de deuxième intention”, prescrites aux malades dont la réponse à l’AUDC est jugée insuffisante : les fibrates (bézafibrate Befizal et fénofibrate) et l’acide obéticholique (Ocaliva).

Ce type de population est délicat à étudier car on combine la rareté de la maladie à celle du traitement, par définition exceptionnel, et l’on doit se contenter d’échantillons réduits.

Une partie de ces réponses figure dans l’analyse ci-dessus, mais il nous parait intéressant d’aller un peu plus loin en faisant un zoom sur certaines données recueillies auprès de patients sous traitement par fibrates ou Ocaliva.

Dans la mesure où les réponses à ces questions plus fouillées étaient facultatives et demandaient un peu plus de temps et d’attention que le reste du questionnaire, le nombre de réponses recueillies ne peut prétendre à la même représentativité que l’ensemble de l’étude. Néanmoins, il se dégage de ces témoignages des informations que l’on considèrera plus qualitatives que quantitatives —en d’autre termes, à interpréter comme des tendances plutôt que comme des résultats statistiques.

Certaines données figurent dans le rapport principal, nous les reproduisons ici pour faciliter la lecture de cette annexe. On utilisera par commodité le terme “Ocaliva” pour “acide obéticholique” dans la mesure où c’est actuellement la seule marque disponible sur le marché.

Traitements

18% des participants (110 personnes) sont traités avec l’acide obéticholique ou des fibrates.

  • 13% des participants (81 personnes) sont traités avec des fibrates.
  • 6% des participants (36 personnes) sont traités avec l’Ocaliva.
  • 7 patients prennent à la fois de l’Ocaliva et des fibrates.
  • Tous les patients suivant un traitement de deuxième intention prennent également de l’AUDC, sauf 3 d’entre eux (2 Ocaliva et 1 Béfizal). Ces 3 patients ont arrêté  l’AUDC suite à des effets secondaires trop gênants.
    Overlap

Overlap

Sur les 102 malades souffrant également d’hépatite auto-immune (HAI — syndrome de chevauchement), 20 suivent un traitement de deuxième intention.

18 sont traités avec des fibrates, 1 autre malade l’a été par le passé et a arrêté (pas de résultat) et 1 actuellement traité envisage un arrêt.

2 patients sont traités avec l’Ocaliva et 5 l’ont été par le passé et l’ont arrêté (pas de résultat et/ou effets secondaires).

Arrêt des fibrates ou Ocaliva

20 participants ont pris des fibrates mais ont arrêté, ce qui porte à 16% la part des malades ayant une expérience de traitement par fibrates. 20% ayant pris des fibrates a arrêté d’en prendre. Les motifs d’arrêt portent essentiellement sur les effets secondaires : fatigue, douleurs, nausées…. 3 de ces malades prennent actuellement de l’Ocaliva.

14 participants ont pris Ocaliva mais ont arrêté, ce qui porte à 8% la part des malades ayant une expérience de traitement par Ocaliva. 28% des malades ayant pris Ocaliva ont arrêté d’en prendre. Les motifs d’arrêt portent sur le manque d’efficacité et/ou les effets secondaires, similaires à ceux des fibrates. 3 de ces malades prennent actuellement des fibrates.

Posologie

Sur 54 malades qui l’ont spécifié, 48 prennent du Befizal dosés à 400mg et 6 des fénofibrates dosés à 200 mg.

Le dosage de l’Ocaliva à 5mg est pris par les 2/3 des patients contre 1/3 pour le dosage à 10mg.

Ancienneté du traitement

Le traitement par fibrates bénéficie d’une antériorité marquée sur l’Ocaliva : les plus anciens le suivent depuis 2008. Les premiers traitements par Ocaliva datent de  2017.

Année de début de traitement (base 54 fibrates et 22 Ocaliva)

Evolution et perception de l’efficacité de ce traitement

A la question “que pense votre médecin de l’évolution de votre CBP ?”, sur les 45 malades traités par fibrates qui ont répondu, 38 témoignent que la maladie est en stabilisation sinon en régression, 7 en progression (aggravation). C’est une évaluation moins positive que la moyenne des malades de CBP (9 participants sur 10 déclarent que la maladie est stabilisée ou en amélioration).

Seuls 13 malades sous Ocaliva se prononcent, montrant un avis mitigé entre une amélioration et une stabilisation, et d’autre part une légère progression de la maladie.

Quand on les interroge sur leur propre perception de l’efficacité du traitement, les malades traités en deuxième intention se prononcent pour des effets plutôt bénéfiques. Les malades traités par fibrates sont proches de l’ensemble des malades. Ceux traités avec Ocaliva semblent moins positifs, mais le nombre de répondants est limité et le traitement par Ocaliva dispose de moins de recul .

Paramètres biologiques

Si près des 3/4 des malades traités par fibrates se sont exprimés sur l’évolution de leur maladie, il ne sont plus que 27 à avoir renseigné les valeurs des paramètres hépatiques issus des analyses sanguines comparant celles au démarrage du traitement aux plus récentes. Toutes les valeurs de ces paramètres GammaGT, Alat/Asat, Pal, se sont améliorées pour tous ces patients. Les résultats de l’élastométrie restent globalement stables.

Ces résultats sont confirmés par le fait que sur 54 malades, près de 90% répondent non à la question «votre médecin évoque-t-il un possible arrêt du traitement ?», 3 personnes n’ayant pas d’avis et 3 personnes répondant oui dont une personne pour atteinte rénale et l’autre pour insuffisance de résultats.

Les malades traités par Ocaliva ont été peu nombreux à renseigner les valeurs des analyses. Sur cet échantillon, certes réduit, toutes les valeurs de ces paramètres Gamma GT, Alat (TGO)/Asat (TGP), PAL, se sont améliorées à l’exception de 2 personnes qui, bien qu’avec des améliorations sur les Gamma GT, les Alat/Asat ont vu les valeurs PAL se dégrader.

L’arrêt possible du traitement par Ocaliva est évoqué par 3 répondants sur 22, 3 autres ne se prononcent pas.

Indisponibilité du médicament

Nous avons interrogé les malades sous traitement de deuxième intention sur le scénario d’une indisponibilité de leur médicament. En effet, ces traitements bénéficient à l’heure actuelle de statuts particuliers (les fibrates n’ont pas d’AMM et l’Ocaliva n’est délivré qu’en pharmacie d’hôpital) qui laissent planer une certaine incertitude sur leur avenir.

Au cas où les fibrates ne seraient plus disponibles en France, bon nombre des patients ont des réactions assez tranchées : ils s’indigneraient («inadmissible», «inconcevable»,«je serais en panique», «ça serait dramatique»), ils déploreraient le retour de leurs souffrances antérieures («pour avoir vécu des années de démangeaisons, je crois que je deviendrais fou», «c’est le seul traitement qui a calmé mon prurit — arrivé au stade suicidaire—», «je deviendrais Mme démangeaison ++++») , ils font un plaidoyer pour le médicament («il m’est indispensable», «ce médicament a changé ma vie», «pas possible de vivre sans ce médicament»). Au-delà du fait de demander de l’aide à leurs médecins , la plupart chercheraient à se procurer le médicament à l’étranger. Peu de malades s’accommoderaient de la situation, même pour certains moins convaincus de son efficacité pour leur cas personnel.

Au cas où Ocaliva ne serait plus disponible en France, sur les 22  commentaires, à part 2 personnes dont les effets du médicament ne semblent pas probants et qui ne s’en offusquent pas, on retrouve les mêmes types de réponse que celles des patients traités aux fibrates. En effet, les avis expriment l’incompréhension («je ne veux pas y penser»), le désarroi («ce serait une catastrophe»), l’inquiétude, se voyant redevenir très malades et candidates à la greffe («je serai à court terme en attente de greffe», «c’était la dernière tentative médicamenteuse connue, avant d’être très surement inscrite sur les listes de demandeur d‘organe») ou réaffirmant l’efficacité du traitement («c’est le médicament le plus bénéfique pour moi») et, comme pour les fibrates, beaucoup restent pragmatiques évoquant l’achat à l’étranger… tout en s’inquiétant alors de son prix et  du remboursement par la Sécurité Sociale.

Effets indésirables

D’une manière générale, les effets indésirables du traitement (combinés sans doute avec les symptômes de la CBP) pour les malades avec un traitement de deuxième intention sont jugés comme plus handicapants ou intolérables que ceux qui sont traités par AUDC seul.

Les effets indésirables chez les patients traités par Ocaliva semblent plus marqués que pour ceux traités par fibrates.

On retrouve une hiérarchie des problèmes similaire à celle des malades de CBP traités classiquement. Certains items sont cependant plus prégnants :

  • pour les fibrates : troubles du transit, douleurs articulaires
  • pour Ocaliva : démangeaisons, douleurs articulaires

base : 47 personnes s’étant exprimées sur la question

base : 17 personnes s’étant exprimées sur la question

Qualité de vie des malades

47 malades traités par Ocaliva ou fibrates ont répondu aux questions détaillées qui leur étaient réservées évaluant leur qualité de vie.

L’évolution de leur état physique

Majoritairement les malades ne voient guère de différence sur leur état physique, seuls ceux qui citent une évolution, positive ou négative, sont illustrés ici.

Les personnes traitées par fibrates perçoivent plus d’améliorations que de détérioration pour ce qui concerne la fatigue, la résistance physique l’appétit, la digestion, et le prurit.

Les personnes traitées avec Ocaliva sont plus négatives sur leur état physique, avec en tête une détérioration du sommeil, des douleurs articulaires, du prurit.

nombre de personnes

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L’évolution de leur état d’esprit

De même les participants ont à nouveau majoritairement considéré qu’il n’y  avait pas de changement de leur état d’esprit.

Pour schématiser, on pourrait dire que les patients traités par fibrates montrent une tendance plus optimiste alors que ceux traités par Ocaliva basculent du côté pessimiste. Sur les deux tableaux, l’item le plus négatif est la mémoire, qui s’est détériorée.

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L’évolution de leur mode de vie

Comme pour les points précédents, la majorité des personnes ayant répondu à la question n’ont pas observé un changement significatif par rapport à leur mode de vie. Pour ceux qui notent une évolution, on retrouve le schéma fibrates plutôt optimistes vs. Ocaliva plutôt pessimistes.

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Commentaire sur la qualité de vie des malades traités par fibrates ou Ocaliva

Les 47 réponses aux questions de qualité de vie spécifique à cette population, montrent qu’une majorité des malades ne perçoivent pas de changement, ce qui confirme la difficulté à apprécier l’impact d’un traitement parmi d’autres. Néanmoins, de façon globale et en dépit du nombre limité de réponses, les personnes traitées par Ocaliva évoquent une plus grande détérioration de de leur qualité de vie et rarement une amélioration, a contrario d’un léger mieux pour les malades traités avec fibrates.

Les effets indésirables de ces traitements de seconde intention sont relativement importants, ceux-ci ressentis plus durement et négativement par les malades traités par Ocaliva que par  les malades traités par fibrates.

A la question “que pense votre médecin de l’évolution de votre CBP ?”, nous constatons que les personnes traitées avec des fibrates ou Ocaliva donnent majoritairement des réponses optimistes ou constatant une stabilisation, mais que les quelques réponses pessimistes ou dubitatives semblent proportionnellement plus marquées chez les personnes traitées par Ocaliva que chez celles traitées par les fibrates.

Les personnes traitées par Ocaliva semblent être dans un état de gravité ou de progression de la maladie plus grand que les malades traités par les fibrates, ce qui pourrait expliquer les observations décrites dans les réponses sur la qualité de vie. La variable de l’ancienneté du traitement est importante sur ce point, les patients traités avec fibrates l’étant depuis plus longtemps que ceux avec Ocaliva.

Il est important de noter que les deux traitements Ocaliva et fibrates ne sont pas obligatoirement interchangeables, l’étude montre que certains des patients ne supportent pas l’un ou l’autre médicament.

Les malades sous ces deux traitements tiennent à les poursuivre car leur médecin et eux-mêmes perçoivent une amélioration ou une stabilisation de leur maladie et, en cas de doute, ils estiment que ces traitements sont la dernière chance d’échapper à la greffe de foie, mais aussi l’espoir d’une amélioration de leur état de santé.